Merci Marinello pour ces détails !
Au final, tes doutes sur le fond nous permettent de savoir ce qui a mal été vulgarisé

Une réponse :
Marinello a écrit:Si une loi obligeait le patronat à utiliser un pourcentage fixe du "profit" pour des investissements nationaux
C'est une solution, mais ce qui est proposé ici va plus loin : plutôt que de devoir faire confiance au privé (le patronnat) pour investir (et devoir lui imposer des règles pour pouvoir accorder notre confiance), pourquoi ne pas socialiser l'investissement, autrement dit, rendre l'investissement démocratique ? Via une cotisation comme dit dans le film : au lieu de laisser le patron investir directement, il cotise à une caisse d'investissement, qui permet de décider via un processus politique (et démocratique dans l'idéal, bien sur) de l'investissement. Et le patron qui veut investir, demande ce dont il a besoin à cette caisse d'investissement, qui l'accepte si ça va dans le sens décidé par la politique (démocratique)
Marinello a écrit: on mette les employeurs et les actionnaires dans le même sac en mode "gros profiteurs à cigares"
Ca, c'est un problème de vulgarisation : employeur ne veut pas dire entrepreneur (le film est pour l'entreprenariat, mais contre l'emploi "libérer les entrepreneurs de leurs fonctions d'employeurs").
Je m'explique : les termes
employeurs et
actionnaires sont ici utilisés dans le sens de
propriétaires lucratifs. Si tous les actionnaires sont des propriétaires lucratifs (des parasites), les employeurs, dans le sens courant du terme, ne le sont pas forcément, parce que ce sens courant assimile employeur à chef d'entreprise. C'est la que la nuance est floue dans le film ; évidemment le film ne critique pas les patrons de PME qui ne font pas de profit hors investissement ! On le dit d'ailleurs "Si toutes les entreprises ne font pas autant de profit, la valeur totale du profit en France s'élève à 40% du PIB" ; autrement dit : on sait que la plupart des PME ne sont pas profiteuses, et tant mieux, mais si on fait la moyenne, on perd quand même chaque année 40% du PIB (20% environ hors investissement), en grande majorité à cause des grandes entreprises.
Il n’empêche que le système de l'emploi, au delà du profit, reste la plupart du temps aliénant, même dans une petite entreprise ! L'emploi est une perte de liberté, et se situe souvent à mi-chemin entre
exploitation et
esclavage. Peut être qu'on le ressent moins dans notre milieu de l'animation (encore que, venez voir l'ambiance à Ankama en ce moment....... Un exemple parfait de ce dont je parle), mais c'est une vérité vérifiable aussi bien chez Toyota que dans une Clinique médicale.
Mais c'est vrai que les
employeurs, en particulier ceux des petites entreprises, ne sont pas forcément responsables de cet état. C'est le système capitaliste et son
marché du travail, son soit disant
coût du travail, qui l'impose. Le seul moyen de tenter d'en sortir, c'est la coopérative (SCOP, SCIC, etc).
En socialisant le salaire, nous pouvons nous libérer de l'emploi, et je parle bien de libération d'une espèce d'emprisonnement, d'aliénation, pour que le travail dans l'entreprise devienne une collaboration. Un peu comme dans une coopérative, à ceci près que les salaires sont versés par une caisse des salaires (publique), et pas par l'entreprise ; on libère donc aussi les entrepreneurs qui ne sont plus des employeurs.
Bref, le film fait donc peut être trop l'amalgame entre
employeur et
propriétaire lucratif, mais il faut bien comprendre qu'il critique l'
emploi, et non le
travail, et ne critique pas non plus les
chefs d'entreprises et les
entrepreneurs. Il aurait peut être fallu insister plus encore sur ces notions, au risque de se faire encore attaquer en nous disant qu'on est contre l'entreprenariat, ce qui est fondamentalement faux.
J'espère que ça clarifie un peu ! en tout cas je vois où on aurait pu être plus précis dans la vulgarisation maintenant.
(parenthèse sur les grandes entreprises vs PME : toutes les PME en France paient aujourd'hui environ 33% d'impôts, ce qui correspond à la fiscalité française, quand les entreprises du CAC40 sont quasi toutes en dessous, jusqu'à 10% seulement pour certaines - grâce à "l'optimisation fiscale". Alors que comme on le disait, le profit - sur lequel est basé l’impôt - se situe plutôt du coté des grandes entreprises... Le manque à gagner se chiffre en dizaines de milliards. Imaginez si ces dizaines de milliards étaient effectivement récupérées par l'état, sous forme de cotisations ! Trou de la sécu ? Déficit de la retraite ? Ils seraient plusieurs fois comblés)
Marinello a écrit:la notion de salaire à vie me laisse très perplexe
Il faudrait que tu nous dise plus exactement ce qui te rend perplexe.
Cette notion se base en fait sur la définition du travail :
Le travail, c'est ce qui crée de la valeur économique (donc qui peut être rémunéré par un salaire). La suite est politique : est ce que ce qui crée de la valeur économique, ce n'est que l'emploi ? Le fait d'être dans une entreprise ? Ou est ce que c'est plus que ça ? Ce qui est utile à la société, et donc dont la définition est un choix politique ?
La définition du travail, c'est donc un choix. On a tendance à croire aujourd'hui que travail = emploi. C'est déjà faux :
D'abord, les indépendants ne sont pas employés. Ensuite, les retraités, qui perçoivent un salaire hors emploi prouvent que la définition - politique - du travail est déjà plus vaste que l'emploi. On peut y ajouter les fonctionnaires, qui ne sont pas employés, et perçoivent déjà un salaire à vie basé sur le grade (leur qualification personnelle), depuis le jour où ils rentrent dans la fonction publique, jusque leur mort. On peut aussi ajouter le personnel hospitalier, et les chômeurs qui touchent l'allocation chômage, et les parents qui élèvent leurs enfants, qui touchent les allocations familiales ; tous sont payés par les cotisations. Tous ces gens travaillent : ils ont tous une activité que la politique considère utile à la société, créatrice de valeur économique, c'est à ce titre qu'ils sont salariés, bien que n'étant pas employés.
La valeur économique qu'ils créent se retrouve donc dans les prix des marchandises : pour les rémunérer, on récupère donc cette valeur pour la leur verser : c'est la cotisation.
Ça, c'est le système actuel (que le patronat n'a de cesse d'attaquer, en attaquant la retraite par répartition, les cotisations, etc.)
Ce que le film propose, c'est d'étendre le système des cotisations à tout le monde ; autrement dit, calquer le privé sur la fonction publique : un salaire lié à la qualification personnelle, à vie, en considérant que chaque citoyen travaille, qu'il soit employé ou hors emploi, selon sa qualification qui évalue sa capacité à créer de la valeur économique. (A ceci près que les fonctionnaires sont payés par l'impôt, et que le film propose de se passer de l'impôt au profit de la cotisation). C'est tout à fait faisable rapidement et pas "utopiste", c'est un système qui fonctionne pour la retraite et les fonctionnaires ; il faut juste avoir la possibilité d'attaquer la propriété lucrative.
Pour en revenir au film, c'est effectivement difficile de faire passer tout ça dedans, mais le but aussi c'est que ceux qui se sentent interpellés ou intéressés aillent visiter le site internet où les textes sont nombreux et variés pour y voir plus clair et entrer plus dans le détail ! en 10 minutes, tout n'est pas explicable, malheureusement. Mais "les gens" sont trop habitués à recevoir du tout cuit, et rares sont ceux qui iront approfondir en cherchant par eux mêmes les textes qui les intéressent sur le site ; c'est cet état qui fait le jeu des politiques démago d'ailleurs, mais c'est un autre sujet.