quand on sort de l'école, la morve au nez et notre naïveté en bandoulière, et que le monde du travail nous tend les bras, on est amené à faire des expériences diverses et variées. Elles sont parfois enrichissantes et parfois douloureuses. Sur une seule année j'ai eu l'opportunité de travailler dans 4 milieux différents, sur 4 projets différents. Il m'est apparu qu'il serait intéressant de les faire partager afin d'éviter aux jeunes fous des écueils ma foi assez désagréables. 4 expériences donc.
- La première, vous êtes raisonnablement payé et vous travaillez pour une personne pour laquelle vous avez envie de travailler.
- La seconde, vous êtes mal payé mais vous travaillez pour une personne pour laquelle vous êtes heureux de travailler.
- La troisième, vous êtes bien payé mais vous travaillez pour quelqu'un avec qui vous n'aimez pas travailler.
- Enfin la dernière, vous êtes mal payé et vous travaillez pour des C....
En résumé, il y a deux aspects. L'aspect financier, et l'aspect humain. Toute la question, quand vous n'êtes pas pris à la gorge et que vous avez le choix, est de savoir où on met la barre et quel est le prix qu'on est prêt à payer. Quand je parle de payer il s'agit soit de payer de sa personne, soit de payer matériellement. Bien sûr, une production parfaite est une production sur laquelle ce type de choix ne s'impose pas.
C'est le cas de ma première expérience. Un boulot d'animateur, payé correctement, avec une société de production qui sait faire son travail et qui fait en sorte que les gens qui travaillent pour elle le fasse dans des conditions optimales. Le réalisateur est compétent, il sait ce qu'il veut, son planning est serré mais tout-à-fait jouable. Et d'autant plus jouable d'ailleurs que dans ce type de condition, en tant qu'exécutant, on est motivé, on est prêt à se donner, on ne regarde plus à la dépense. Une très bonne expérience.
Dans le deuxième cas, je bosse pour un ami. Il est jeune, comme moi, entreprenant, et à la tête d'une petite entreprise de communication audiovisuelle. Il se donne beaucoup et la boutique tourne. Parfois, il est submergé par les commandes, il m'appelle. Je sais qu'il ne pourra pas me payer grassement mais je sais que l'ambiance sera bonne et que même si les commandes en tant que telle ne sont pas très réjouissantes (pour un animateur s'entend, pas pour un graphiste) je sais que nous réussirons à en tirer quelques chose de positif. Une expérience financièrement moyennement intéressante mais toujours riche humainement.
Dans le troisième cas, un cas d'école, celui du plan à la dernière minute. C'est un travail dans le domaine de la publicité. C'est bien payé, le réalisateur est un vrai de vrai, à l'américaine, son staff le protège et il ne sait pas que le projet est à la bourre. Toute l'équipe est à la merci d'un obscur cénacle de DA qui changent d'avis toutes les deux minutes, très grosse pression. Après sept jours hallucinés, des engagements préalables me permettent de quitter le navire qui finira par arriver au port, mais à quel prix. Malgré le salaire attractif, on touche du doigt des mécanismes assez pervers qui ont comme fâcheuse tendance de mettre à mal les gens qui travaillent dans le système.
Dernier cas, le cas à éviter absolument, le plan foireux. C'est un travail de commande que les commanditaires essayent de faire passer pour un petit film familial, ils ont l'air avenants, sans pression, ils n'ont pas beaucoup de budget. Le projet est prometteur et le réalisateur reconnu. Il s'avère en fait que le projet est pharaonique, qu'il y a bel bien une prod derrière, et qu'au final le forfait discuté en début de production ne correspond plus du tout au travail effectué. Ajoutons à cela que le réalisateur est un figurant sur le projet et que mon collaborateur et moi-même nous retrouvons à faire son travail. Finalement le travail de préparation n'est pas payé et fait trois fois la durée du tournage qui lui est rémunéré pour une somme discutable. Un travail mal payé chapeauté par des gens dont l'unique but est de raboter sur les coûts, humains de préférence (c'est plus facile de convaincre un animateur de bosser plus pour des radis que de convaincre un Nikon de se vendre moins cher) en conclusion, au premiers signes d'une situation semblable, mon conseil, fuir! (si vous le pouvez)
Bien sûr, dans ce dernier cas, nous ne sommes pas exempt de tout reproche, il aurait fallu partir du principe que parfois un commanditaire se refuse purement et simplement à payer un travail son juste prix. Il faut donc prendre le temps de le convaincre que c'est dans son intérêt de payer, et surtout d'évaluer très précisément la charge de travail en prenant en compte les imprévus. Sachant qu'il faut prendre en considération le fait qu'un travail sur-évalué, en coût et en temps, est toujours sous-évalué si on veut pouvoir travailler avec ce type de commanditaire dans de bonnes conditions.
Vous noterez que plus les choses sont compliquées et coûtent, plus les paragraphes sont longs

Ils y a sûrement d'autres types d'expériences et les choses se jugent sur le moment, au cas par cas, je referai sans soute les mêmes erreurs, et je travaillerai sans doute sur d'autres beaux projets. En attendant voilà, bien à vous les fous.