# 2740

reflexions sur les genres dans les longs-métrages d'animation présents à Annecy

écrit par Anne-Lise Baider, le 21/06/2012

À l’heure de la « normalité » revendiquée, force est de constater que nombre de films ne dérogent pas à la traditionnelle structure narrative de la quête en bonne et due forme.

Ainsi à Annecy cette année, Tad part-il à la recherche d’un trésor amérindien (Tad , the lost Explorer, Enrique Gato), Ronal doit sauver son peuple enchaîné par plus barbares que lui (Ronal, le Barbare, Thorbjorn Christoffersen, Kresten Vestbjerg Andersen, Philip Einstein Lipski), Maki doit ramener la girafe Zarafa de France en Afrique (Zarafa, Rémi Bezançon, Jean-Christophe Lie), les personnages du Tableau (Jean Laguionie) doivent trouver le peintre afin de faire cesser l’oppression que font subir les tout-peints aux pas-finis et aux roughs.

Ce qui change un peu sont les rôles masculin et féminin : les antihéros ont le vent en poupe . Tad n’est qu’un maçon et non un explorateur mondialement connu, Ronal est le seul barbare chétif et peureux de la tribu, Maki a juste sa détermination pour lui mais il n’a aucun pouvoir. Ils vont devoir faire leurs preuves, taraudés par la mission qui leur est signifiée par un plus âgé : celui qui joue le rôle de père pour Ronal et Tad. Ainsi, la seule manière pour eux de s’inscrire dans leur société est de surmonter leur couardise, ils ne sont pas mus par l’appel de l’aventure comme nombre de héros d’autrefois .

Peut-être est-ce dû à la question de la place de l’homme dans notre société : en effet ces héros sont de jeunes hommes et ils ne possèdent pas le pouvoir, ce sont les plus forts physiquement chez les barbares (Ronal le barbare), ou les beaux hommes médiatisés comme l’explorateur vedette (Tad, the lost explorer), ou les hommes mûrs (Zarafa, Le Tableau) qui les dominent. Ces films nous interrogent sur la place laissée dans notre société aux jeunes hommes condamnés aux CDD , jusqu’à un âge avancé dépendants des parents et sans responsabilités politiques notables (la moyenne d’âge de la classe politique est actuellement importante…).

Qu’en est-il des personnages féminins ? Il semblerait qu’il y ait depuis quelques années un changement : les héroïnes faibles, passives et sentimentales font place aux filles énergiques qui savent se battre (Ronal est sauvé par la jeune guerrière), elles sont intelligentes et décidées : Tad est guidé par la fille du professeur qui possède une solide culture en archéologie, La jeune métis dans Le Tableau est l’instigatrice de quasiment toutes les découvertes. Mais elles gardent une forme de passivité : la fille du professeur est trompée par l’amour qu’elle voue au beau jeune homme qui l’utilise, la guerrière se soumet à la loi qui veut qu’elle épouse celui qui saura la dominer physiquement et qu’elle en soit la servante . C’est alors le jeune antihéros qui va sauver cet éternel féminin en lui ouvrant les yeux : il met en balance le pouvoir et les sentiments vrais, lui fait préférer la sincérité à toute autre chose. Le ressort de la séduction a changé : le héros finit par convaincre de le choisir, non parce qu’il possède le pouvoir mais parce qu’il y a renoncé, qu’il n’en a jamais voulu car il est, avant tout, sentimental. C’est-à-dire qu’il a pris la caractéristique de l’héroïne traditionnelle.

En ce sens, les films peuvent nous intéresser par l’image qu’ils nous renvoient de notre société : celle-ci connaît une mutation dont nous n’avons pas toujours conscience dans les rapports homme/femme et dans la représentation du masculin et du féminin. Le cinéma offre donc un modèle alternatif aux modèles traditionnels. Dans ce renouvellement, la palme revient au personnage du Tableau : la jeune métis, à la différence de l’autre personnage féminin, ne cherche pas l’amour, ce qui la motive est la soif de la connaissance… un modèle intéressant pour les filles d’aujourd’hui qui, au grand dam de certains, brillent aux examens et remportent nombre de concours jugés très difficiles, au détriment des garçons.